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Delhi

Dimanche 5 octobre 2014

La chaleur et le bruit du ventilateur ne m'ont pas permis de dormir trop bien. Vers 9h, je me lève et descends dans la salle de restauration pour y découvrir le reste du groupe arrivé avant nous à Delhi : il y a là Maryvonne et Laurie avec qui j'ai déjà été en contact par mail ou téléphone via la réunion de préparation, ainsi que Fatima, Maric et Jean-Luc qui complètent l'effectif. Enfin, je fais la connaissance de Patrick venu en éclaireur quelques jours avant nous. Tout en faisant les présentations, je m'installe pour le petit déjeuner. Le service est assez lent mais en arrivant après les "cobayes", je peux directement choisir le meilleur : un vaste pancake que la chaleur ambiante rend difficile à terminer. En insistant, ça finit par passer car impossible de jeter de la nourriture, encore plus ici. Sur ce, le groupe finit de se constituer Marie et Virginie nous rejoignant. Le départ est fixé pour 11h.

Aujourd'hui, c'est dimanche et beaucoup d'endroits sont fermés. Notre première destination est Connaught Place. Pour la rejoindre, nous allons démarrer par de l'autorickshaw, familièrement appelé tuk-tuk dans d'autres pays. A part deux privilégiées venues de France avec les mêmes vols et dont je tairai les noms par souci de confidentialité nous sommes à trois par véhicule. Maric et Jean-Luc qui partagent le mien se montrent aussi curieux que moi sur la route. Sur notre trajet, les scènes de vie sont innombrables : pauvres qui vivent partout là où il y a de la place, comme sur des bretelles de voies rapides, circulation parfois dans les deux sens de véhicules de tout gabarit, signalisation souvent décorative, architecture moderne, traditionnelle ou sommaire mélangée, élèves en uniforme ... Ce que je retiens plus encore c'est le concerto en "TUUUT" majeur, comme si les conducteurs indiens venaient de découvrir le klaxon et en appréciaient particulièrement la sonorité. En Inde, on klaxonne comme on respire : naturellement et sans y penser. (Chanson :) "Chauffeur, si t'es champion, appuieee ... appuieee ..., Chauffeur, si t'es champion, appuie sur le klaxon !!!!".

Après 30 à 45 minutes de route, on approche du but. Les distances sont assez incroyables dans cette mégalopole de 16,7 millions d'habitants ! Un immense drapeau de l'Inde flotte au-dessus de la place. Nous en faisons le tour avant de se ranger sur le bas-côté. En 2 à 3 minutes, tout le monde est rassemblé. Après quelques indications sommaires, Jimmy nous donne du temps libre jusqu'à 13h sachant qu'aujourd'hui presque tout est fermé ...

Alors que le groupe se disperse, je commence à ouvrir mon guide pour voir quel site se trouve "à proximité". Il y en aurait deux ... Des passants me demandent de suite ce que je cherche et si je ne veux pas aller dans leur boutique. A quelques mètres, je vois Virginie et Marie qui semblent attendre et demandent ce qu'on fait ? C'est décidé, je vais jouer la prudence et m'apprête à les accompagner. Elles sont à la recherche de saris pour pouvoir faire davantage couleur locale ce qui est tout à leur honneur. Moi j'ai plutôt appris la liste de vocabulaire hindi proposée par Rencontre au Bout du Monde parce que le sari je ne le porte pas très bien ... (c'est un vêtement pour femmes)

Parmi les diverses sollicitations, un pundjabi est le plus entreprenant (le Pundjab est l'Etat des Sikhs, ceux qui portent le turban). Nous le suivons. Bien qu'il soit très serviable, nous perdons pas mal de temps à marcher et décidons de l'abandonner pour un autorickshaw. Nous aboutissons à un magasin d'Etat devant une montagne de saris de toutes les couleurs et tous les motifs. "Allo Houston ? On a un problème ! Virginie et Marie ne répondent plus !". En même temps, je conçois fort bien leur hésitation devant cette caverne d'Ali Baba remplie du sol jusqu'au plafond et aux fort belles couleurs ! Après le choix (bravo Marie !) vient le moment de l'essayage. Figurez-vous qu'un sari est un morceau de tissu de 6 mètres de long à enrouler intelligemment et élégamment tant qu'à faire autour du corps. Aussi je crois que mon neurone a lâché prise entre le second et le troisième mètres d'autant plus que les vendeuses avaient un sacré coup de main pour le plisser. Nous ressortons de la boutique 5 minutes avant l'heure fatidique : je ne suis plus en compagnie de deux occidentales mais de deux indiennes !

Notre tuk-tuk fonce vers Connaught Place mais se permet quand même de faire une boucle inutile au départ : nous repassons devant le magasin au bout de deux minutes ... Il nous prend pour des pigeons le rigolo au volant ? Le véhicule fonce vers Connaught Place, je prends véritablement mesure des distances pour la première fois parce qu'on a déjà fait le parcours en sens inverse (quand je l'ai souligné plus tôt c'était plus par rapport au temps de trajet). L'échelle des plans est énorme, il est vain d'imaginer rejoindre des sites à pied. J'abandonne alors ce projet pour le reste du voyage. Au point de rencontre, nous sommes les derniers, une fois n'est pas coutume ! Surtout quand c'est la première occasion de l'être ...

Nouveau moyen de locomotion : on s'engouffre dans une bouche de métro. Nous passons un contrôle de sécurité. Ca sonne ? C'est bon allez-y il ne faut pas bloquer la file ! Et dire qu'en France, Vigipirate aboutirait presque à l'évacuation de la station et à l'arrivée d'une équipe de déminage !  Jimmy va ensuite acheter les billets. Il s'agit en fait de jetons dont il ne faut se débarrasser qu'à la sortie. Me déplaçant au quotidien en métro en région parisienne et spécialiste des transports en commun de par mon métier, je trouve cocasse de prendre un cours (nécessaire) sur "comment valider dans le métro ?". Je crois qu'en Inde il va falloir tout réapprendre, les règles régissant le quotidien étant sans cesse différentes. Comme le dirait une sage : "il faut lâcher prise !". C'était bien mon intention en venant. Surprise dans les couloirs : le métro est moderne et climatisé. Là aussi un contraste avec certaines de nos lignes. Quand la rame entre en station, un flot de voyageurs se déverse, un autre monte. Tout est bondé. A l'intérieur des places sont réservées aux femmes et aux ainés (il y a même un wagon spécial pour femmes à l'avant). Avec Fatima, on se retrouve près d'une mère et son enfant assez surpris par les spécimens exotiques qui viennent de monter à bord. Et dans notre environnement, c'est loin d'être les seuls. Les touristes des agences plus ordinaires doivent davantage circuler en bus climatisés que prendre les transports locaux ?

Pour sortir de la station d'arrivée, c'est le même principe qu'une machine à sous : on introduit son jeton et on ne gagne rien sinon le droit de quitter les lieux et d'y revenir une autre fois. A la surface, Jimmy rassemble des rickshaws (vélos pour transporter les gens). Je voudrais bien essayer mais, avec la circulation dense, il préfère éviter. Pourtant je ne pourrais pas mettre beaucoup plus la foire ... J'embarque avec Laurie. Les conducteurs se dressent alternativement sur une pédale puis sur l'autre en y mettant tout leur poids et leurs forces. C'est impressionnant ! Tout comme l'est la circulation dense : on frôle et sommes frôlés à quelques centimètres par des piétons et d'autres engins motorisés. Garez vos miches !

Nous finissons par descendre devant la mosquée, empruntons une rue saturée par le trafic et les passants pour parvenir à notre premier restaurant : chez Karim. Voici venue la première occasion de tenter les épices, de se transformer peut-être aussi en dragon cracheur de flammes ! Avec la chaleur, je n'ai toujours pas d'appétit mais je souhaite goûter les différents plats parmi lesquels de la chèvre. Premier plat : le dhal, des lentilles épicées. Pas mal ! Je sens rapidement mes lèvres brûler puis l'oesophage et enfin l'estomac. Ca serait une bonne idée pour apprendre la biologie à l'école. Rien de tel que la pratique après tout ! Mais le plus surprenant reste la gradation dans l'intensité du piquant : chaque nouvel aliment semble un cran au-dessus du précédent, si bien que les lentilles finissent par devenir agréables ! Un autre atténuateur est le chapati qui éteint vite l'incendie. Au final, voir la réaction de chacun(e) est plutôt amusant car tout le monde passe par les mêmes sensations. C'est moi ou il fait chaud ? Pour être exhaustif, je me dois de préciser qu'en Inde on mange essentiellement avec la main droite (jamais la gauche qui est utilisée dans une petite salle avec un trône). Après quelques bouchées maladroites, nous prenons davantage d'assurance et mettons au repos les couverts pour la majeure partie des 15 jours. Bonne idée pour faire moins de vaisselle à l'avenir !

En sortant, Patrick qui nous a rejoint entretemps, montre à certains d'entre nous la cuisson des chapatis : pâte plate collée à une paroi concave du four pour lever en une poignée de secondes, dorer légèrement et être descendue tout aussi rapidement par les gourmands.

Nous retournons jusqu'à la Jama Masjid (mosquée du vendredi) que nous allons visiter. On se déchausse pour entrer permettant ainsi aux pieds de cuire sur le carrelage en marbre. Les femmes doivent aussi se couvrir la tête et les épaules pour pouvoir entrer. Ne souhaitant pas remplacer le Lonely Planet dont je n'ai pas les compétences, je me bornerai à dire que la mosquée a été construite au 17ème siècle et qu'avec une capacité de 25 000 fidèles c'est la plus grande d'Inde. Le reste je ne crois pas que vous le retiendriez sans vouloir vous offenser : votre intérêt vous amènerez trop rapidement à décrocher. Pendant que Jimmy nous fait son exposé théorique, des indiens et indiennes viennent écouter avec nous sans rien comprendre, d'autres nous prennent en photos et d'autres encore fixent les notes que je prends sur mon carnet de voyage et qui doivent leur évoquer quelque chose de rigolo. La taille du groupe a ainsi triplé en quelques minutes.

Le site est une vaste esplanade avec au centre un bassin pour les ablutions. Sur 3 côtés des portes plus ou moins massives et majestueuses (plus souvent le premier terme que le second en vérité). Sur le dernier côté, la mosquée, ses 3 coupoles en forme de bulbes ou de fleurs de lotus et 2 minarets de 40 mètres. L'architecture est un mélange indo-islamique (l'islam est arrivé au 8ème siècle). Dans un des coins, des graines pour les pigeons, histoire d'avoir un bon karma.

Jama Masjid - La mosquée et son esplanade

Jama Masjid - Une des portes d'accès

Jama Masjid - Zoom sur la porte faisant face à la mosquée

Nous disposons alors de 20 minutes de temps libre. Virginie et, dans une moindre mesure, Marie n'arrêtent pas de se faire prendre en photos avec leur sari : un homme leur demande puis 15 autres le remplacent à tour de rôle. Facebook s'enrichit ... Hum, hum, vous permettez nous avons un sanctuaire à visiter quand même ! Nous allons conserver malgré tout suffisamment de temps pour rentrer dans l'édifice principal qui n'est pas fermé mais ouvert sur 3 de ses 4 côtés. A l'intérieur, une succession de pièces peu larges séparées par des arcades et aucun meuble (minbar). Comme dans toute mosquée, la décoration n'est que calligraphie et formes géométriques mais jamais de figure car cela est proscrit par la religion.

Retour vers la porte d'entrée pour un dilemme : qu'est-ce que l'on fait maintenant ? Marché ? Hôpital aux oiseaux ? Temple sikh ? Retour à l'hôtel ? Les avis sont on ne peut plus partagés surtout sur ce qu'il y a à voir dans l'hôpital aux oiseaux ... Après 10 minutes de tergiversations, nous décidons enfin d'aller découvrir le temple sikh de Sisganj Gurdwara. Nous voilà donc à contourner la mosquée puis à cheminer dans des ruelles étroites (pour l'Inde). Jimmy me précise qu'autour du bâtiment saint c'est le marché noir des pièces automobiles dépecées dans les alentours. Nous passons car, ce n'est pas le genre de souvenirs qui m'intéressent à priori ...

Nous finissons par aboutir à une rue plus fréquentée avec plusieurs lieux de culte notamment un catholique (l'Inde ne compte que 2,3% de croyants majoritairement dans le sud et l'est) et donc un temple sikh.

Urdu Bazar Road devant la mosquée

Dariba Kalan Road - Ruelle

Chandni Chowk Road - Gurudwara Sis Ganj Sahib (temple sikh)

A l'entrée, il faut laisser ses chaussures à la consigne et là, première leçon intéressante : les personnes qui la tiennent sont des riches qui viennent nettoyer les chaussures des fidèles. Quand on sait qu'en Inde les pieds sont impurs, on se rend compte qu'il est difficile de faire mieux dans l'humilité, même si c'est pour accumuler du bon karma. Après un pédiluve et un escalier, seconde découverte à suivre aveuglément Jimmy : il faut pénétrer dans le temple la tête couverte. Dans un vaste tonneau, je trouve un foulard pas trop clinquant en libre-service. Je dois ressembler à quelque chose comme une vamp ou bien même à rien mais je n'arrive pas à éviter une ou deux paparazzi embusquées. Nous sommes à présent prêts à rentrer dans le saint des saints. En pénétrant dans le bâtiment, les fidèles s'inclinent pour toucher le pas de la porte du bout des doigts de la main droite (seule main pure) puis les portent sur le front et enfin sur la nuque. Par respect je les imite même si je voudrais bien comprendre le symbolisme associé. Le front c'est sûrement l'esprit comme dans d'autres religions mais la nuque ? Un acte de soumission ?

L'intérieur comporte de nombreux tapis dans une salle à colonnade. Les croyants sont assis par terre à écouter un chant ou alors à effectuer une circumambulation autour du coeur du sanctuaire qui comprend un trône en or. 3 gurus tunique crème et turban enroulé autour de la tête y déclament des épopées issues du Râmâyana et du Mahâbhârata. Leur coiffe est typique du Pendjab, l'Etat qui regroupe la plupart des Sikhs (80% d'entre eux). Ils jouent en même temps de petits instruments. Leurs paroles ne s'apparentent pas à une litanie monocorde mais plutôt à une mélodie qui invite l'esprit à s'évader vers d'autres temps et d'autres contrées. Au milieu de ce tableau nous débarquons et tentons de nous installer discrètement : sur le silence pas trop de soucis mais un groupe de pingouins ne détoneraient pas plus en débarquant dans un village papou ! Heureusement que les sikhs accueillent dans leur temple des gens de toutes confessions du moment qu'ils fassent preuve de respect. Nous nous asseyons en bout de salle, face au trône recouvert d'un dais ciel à points jaunes, et nous laissons imprégner par l'ambiance. Peu importe de comprendre ou pas, le moment est juste beau et touchant. Pour ma part, je pourrais y rester des heures à l'écoute du récit qui s'égrène et s'anime, semblable aux ondulations d'une rivière impétueuse. Bien trop vite hélas il faut partir et rejoindre l'hôtel !

A peine sortis à l'extérieur de ce bâtiment, un sikh nous donne une sucrerie à base de pâte d'amande. Il faut savoir qu'un temple pour être officiel doit remplir trois conditions : faire flotter un drapeau orange, contenir le livre sacré (sous le dais ?) et offrir le gîte et/ou de l'alimentation. Celui-ci vérifie ces 3 critères. Nous récupérons nos chaussures et recommençons à fendre la foule. Agitation de fin de journée ...

Nous passons devant un petit marché vendant aussi bien de l'alimentaire, du tissu que des babioles souvent à même le sol.

 

Nous débouchons en suivant sur un temple hindou dédié au dieu Soleil. Sa façade est décorée de 7 chevaux cabrés. A deux pas, nous nous engouffrons dans une bouche de métro pour 3 arrêts. Avec l'affluence, Jimmy et Abhay sont plus stressés que nous ! Ne vous en faites pas, on assure et on peut vous expliquer comment prendre le métro si besoin.

A la sortie, nous embrayons illico avec un rickshaw (donc pas motorisé). Notre "conducteur" avec Fatima est vraiment hors pair et dépose peu à peu le reste du peloton comme une fleur. Il doit avoir un moteur ce n'est pas possible ... En tout cas chapeau ! La fin se fait à contresens sur une 2 X 3 voies. Pas de quoi s'inquiéter donc ... Pendant ce temps-là, Laurie et Maryvonne en ont eu un plus excentrique qui les a déposées au mauvais endroit. Jimmy et Abhay doivent aller les chercher.

Nous sommes de retour à l'hôtel, il n'est pas encore 18h. Snif pour le temple sikh. N'aimant pas rester enfermé dans une pièce à l'autre bout du monde, je ressors immédiatement pour une balade incognito pour découvrir le quartier sauf que d'une part je suis le seul occidental et d'autre part je tombe 3 fois sur Jimmy. Pour la discrétion, je repasserai ! La culture tibétaine est très ancrée dans ces ruelles étroites : objets et souvenirs, restos, slogans appelant à la liberté du Tibet ... Je parviens même à un temple bouddhiste entouré de moulins à prière. Je fais un tour "gratuit" pour les mettre en branle, réminiscences du Népal et moment de partage à ma façon avec cette communauté car je ne suis pas le seul à les actionner. Les prières pour le bien-être  des démunis et des déshérités s'envolent par le seul mouvement comme je l'avais appris sur les cimes himalayennes. Je poursuis mon chemin en tentant d'accéder aux rives de la Yamuna mais pénétrant dans un quartier de fortune où l'on me regarde comme si j'étais un yéti avec des chaussettes bavaroises et des sandales, je préfère rebrousser chemin. Je rentre ainsi à l'hôtel regarder depuis la terrasse une poignée d'agricultrices qui travaillent dans les champs aux dernières lueurs du crépuscule. Leur vie est si rude !

Le groupe se reforme  au resto. J'opte pour un plat tibétain que j'adore : les momos (des raviolis) même si ceux-ci mettent plus longtemps à cuire que le plat des autres personnes du groupe. Tant pis : on est en vacances et on a le temps ! En plus, Marie a pris le risque de me faire confiance et a choisi le même plat que moi donc je ne serai pas le seul catalogué comme "systématiquement le dernier" après l'épisode de Connaught Place à 13h. La solidarité a toujours du bon ! Patrick mange encore une fois avec nous alors même qu'il rentre en France dans la nuit. C'est sympa de sa part !

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